Y— personnage inspiré du Don Quichotte de Cervantès luttant contre les moulins à vent ; un idéaliste, têtu, absurde, courageux, mais considéré comme un fou
M— distributeur automatique de boissons et de bonbons ; des sons étranges préenregistrés le caractérisent
Y est déguisé en chevalier, portant un casque de chevalier / costume sérieux. Furieux, il se présente devant le distributeur et accuse :
Y : Toi ! La machine de consommation perverse de la société capitaliste ! Même avec ton corps gonflé, ta petite bouche délicate avale sans relâche nos pièces !
M : « Ding ! » Ah, quel son charmant ! Ce petit son clair me rappelle la note joyeuse de la valse ; il me rend fou! J'aime le sentiment d'accomplissement quand les pièces tombent ! Donnez-moi votre argent, je peux vous donner la marchandise ! Égalité et justice suprêmes !
Y : Égalité ? Tu es un gouffre avide, un gouffre avide et sans fond ! Jamais notre richesse ne pourra satisfaire le misérable ventre ! Que de richesses accumulées dans l'ombre de ton ventre obscène ! Pourquoi, faussaire, ne mettez-vous jamais en lumière ces revenus importants ?
M : Voyons ce qui est écrit dans la Déclaration des Droits de l'Homme : « Puisque la propriété est un droit inviolable et sacré, nul n'en sera privé… » Incontestablement, ma richesse doit rester dans l'obscurité totale, pas un seul rayon de lumière n'étant pouvoir entrer. Par contre, je vous montre tous mes biens avec mes néons blancs, gratuitement.
Y : Voilà votre générosité prétentieuse ! Tout ça c'est juste pour nous droguer, comme avec des bonbons. Si vous êtes aussi généreux que vous le dites, pourquoi votre corps garde-t-il ces biens emprisonnés ? La vitrine transparente n'est qu'une cage de tentations.
Y se tourne vers le public, lève les bras, fait de grands gestes, comme ceux d'un homme politique enthousiaste [1] , et proclame :
Camarades ! Méfiez-vous des bombes douces du capitalisme [2] (Mao Zedong).
Les bombes à bonbons ! Oui, les bombes de bonbons !
M : Moi, le distributeur, je t'offre le goût de la vie. Vous avez le libre choix. L'homme échange sa richesse contre son désir. Certains fauteurs de troubles veulent me voler mon bien, ils seront punis. Parce que je suis toujours très gentil. Savez-vous que chaque année un grand nombre de personnes sont écrasées par mes amis ?
Y : Gros pingouin [3] ! Arrêtez avec votre hypocrisie moraliste et votre vertu pourrie ! Les produits bio sont vendus pour les riches ! Et les pauvres se droguent avec tes bonbons ! Le marketing, outil de sorcellerie ! Vous utilisez même les recherches de la psychologie, de la sociologie, de l'esthétique, de l'économie comme moyen à vos fins...
Vous! Numéro 22 et numéro 23, eaux minérales identiques, pourquoi vous camoufler sous deux apparences différentes ? Quelle réelle nécessité y a-t-il de défiler sous des vêtements différents ? Des particularités trompeuses ! Et vous, Coca-Cola et café machine, encore plus malin, vous séduisez par vos images... L'argent, c'est pour les images !
M : Le monde est diversifié et nous oblige à avoir (besoin) de choix diversifiés. J'affirme que j'offre la liberté de choisir et de consommer. Avoir le pouvoir d'acheter, c'est avoir le pouvoir. Tout dépend de vos besoins. Avec moi, l'individu est bien traité. Voulez-vous vivre dans un monde monotone sans cette variété ? Il faut bien l'admettre, « le vice inhérent au capitalisme est le partage inéquitable des richesses. Le vice inhérent au socialisme est le partage équitable de la misère. [4]
Y : Arrêtez avec votre discours dépassé. Ridicule! L'homme se soumet à la servitude sans s'en rendre compte. L'homme perd sa liberté même lorsqu'il pense l'avoir. Ne confondez pas individualisme et individualité ! L'homme est conditionné par votre logique ; classification de produit, spécification du geste, codification de notre quotidien et glorification de leur mise en ordre. Oui, c'est là que l'on trouve la vertu du mode de vie pourri capitaliste. Vous ne faites rien d'autre que tirer profit ! Les prix de vos produits sont très inférieurs à la valeur du travail. C'est des conneries !
M : Mon tout-petit, tu as l'air un peu excité, tu reviens à une morale du passé ; cela vous fait sortir de vieux schémas et nous rejoindre dans la journée actuelle. De nos jours, les gens sont heureux d'avoir un travail, d'être exploités et de pouvoir consommer. Et le destin vous apprendra que la déesse de la victoire restera toujours à mes côtés.
Une troisième voix venue du ciel : « L'histoire ne se répète pas, mais elle rime. [5]
Y : Le destin est l'éternel retour à votre épreuve ! Je dénonce vos péchés devant le monde entier !
Toi, machine nomade, machine mobile appartenant aux troupeaux du néolibéralisme et de la colonisation mondiale, tu te balades aux quatre coins du monde, et une fois installé, tu t'enracines. Depuis votre arrivée dans ce bâtiment, votre corps n'a pas bougé d'un pouce.
Nourri par les réseaux électriques, vous fonctionnez 24h/24. Le sang du capitalisme imprègne l'architecture de ciment. Les malheureux prennent ce que vous leur proposez comme s'en va la cueillette des champignons. Mais ils sont vénéneux ! Tumeur mortelle ! Prolifération des cellules cancéreuses. Le parasite honteux conduit à l'érosion des fondements de la société. Derrière vous, votre cordon d'alimentation relie un million de vos parcelles, pollue les vaisseaux sanguins de la terre. Tu te crois irrésistible et indestructible, mais je te le dis, ton âge d'or touche à sa fin !
Y : (vers le public) Je déclare, le distributeur coupable ! Tous ses biens sont à distribuer au public !
Y se précipite ; il/elle débranche le cordon d'alimentation et tout d'un coup le distributeur s'éteint. Y sort une corde, l'attache à la machine et accroche une pancarte : coupable (?).
[2] Candy Bomb, bombe enrobée de sucre, une métaphore importante utilisée par Mao Zedong à partir de la réunion du parti en 1949.
« Vous devez résister aux valeurs, à l'idéologie et au mode de vie capitalistes » (Europe)
[3] « Song of the Stormy Petrel », un court texte de Maxime Gorky, écrivain russe travaillant dans le genre du réalisme socialiste, « Et les pingouins insensés se recroquevillent dans les crevasses des rochers... »
[4] Winston Churchill
[5] Citation de Mark Twain
Texte préparatoire au spectacle
: L'essai d'un distributeur automatique